Lorsqu’une entreprise doit procéder à la gestion de ses impayés, elle peut faire appel à des professionnels du recouvrement. Beaucoup envisagent d’externaliser leur processus de recouvrement par des acteurs spécialisés. Cette tendance augmente constamment grâce aux nouvelles technologies et aux plateformes de gestion des créances.
Découvrez le témoignage de Gustave Carasi, Directeur financier, European Digital Group.
Selon vous, avoir recours à une FinTech allégerait-il la gestion du process de recouvrement de vos impayés ?
A quel point un retard de paiement a-t-il déjà impacté votre entreprise ? Dans ce cas, avez-vous déjà fait appel à un acteur du recouvrement ?
Heureusement, nous n’avons jamais été gravement affectés au point de remettre en question la viabilité de nos entreprises du groupe. Cela est en partie dû à notre gestion prudente de la trésorerie et à notre faible dépendance à l’égard des clients. Mais toutes nos entreprises sont concernées par ce sujet. Elles mettent en place des procédures pour limiter son impact sur la trésorerie. Nous avons déjà fait de l’externalisation, en dernier recours, à des acteurs spécialisés du recouvrement qui se sont révélés efficaces. Mais il s’agissait de cas spécifiques pour lesquels le maintien de la relation client n’était pas primordial. La grande majorité des échanges, en particulier avant tout litige, doivent encore être traités « manuellement » et à l’amiable.
Selon notre étude réalisée avec l’institut YouGov, près de 50% des dirigeants n’ont pas une bonne image des acteurs spécialisés du recouvrement. Quelles en sont les raisons selon vous ?
Je vois deux raisons à cela. D’une part, faire de l’externalisation en faisant appel à un acteur du recouvrement coupe le client de son contact avec son fournisseur. Une personne qui ne connaît pas les détails de leur collaboration gère donc cela de manière plus mécanique et procédurière. Les discussions n’en sont que plus abruptes et peuvent générer de la frustration. En dernier recours, on fait de l’externalisation en faisant appel à des acteurs spécialisés pour la récupération de fonds par la force brute. Plutôt que d’externaliser complètement le processus. Normal qu’on ne les apprécie pas !
D’après vous, quelles sont les clés pour insuffler une culture du cash au sein d’une organisation, tout en ayant des pratiques éthiques et bienveillantes pour améliorer son business au quotidien ?
J’ai pu observer au fil des années quelques entreprises championnes du cash collection. Toutes commencent à traiter le sujet du recouvrement en amont de la relation client. Le recouvrement n’est, chez ces champions, pas un sujet traité en bout de course mais bien lors de la contractualisation. Cette approche a d’ailleurs pour conséquence d’impliquer naturellement les opérationnels dans la première étape du recouvrement. Il s’agit par exemple d’ériger une « politique de la maison » qui, si on peut y déroger à l’issue d’une négociation avec la contrepartie (qui elle aussi peut avoir sa propre politique d’ailleurs), constitue néanmoins un point de départ de négociation connu des commerciaux et donc un levier qu’ils savent employer. Dans toute négociation, il existe un rapport de force, et il est évidemment plus difficile de négocier avec des parties plus puissantes. Cependant, il s’agit d’optimiser sa position dans l’environnement plus ou moins favorable dans lequel on se trouve.
N’est-il pas temps de voir arriver sur le marché du recouvrement des acteurs qui misent sur la bienveillance et non plus sur le conflit et la menace ?
Comme souvent en face du terme bienveillance, j’ajouterais « fermeté ». Il ne s’agit pas de se perdre en circonvolutions s’il n’y a pas de bonnes raisons de revoir les termes de paiement ! Mais, comme avec les enfants, l’écoute bienveillante peut résoudre des conflits, là où la menace et l’invective les aggrave quasi systématiquement. Nous avons eu le cas il y a quelques temps avec un client honnête, en difficulté, qui nous a proposé une solution win-win que nous avons acceptée…
Et en quoi consiste concrètement cette « politique maison » ?
La politique maison dépend bien sûr des business models. Cela peut inclure facturer des acomptes pour les prestations nécessitant un capital, favoriser le prélèvement, fixer des délais de paiement standard. Mais cela peut également être : accélérer le travail de l’équipe de recouvrement en ayant une fiche client complète…
Selon notre étude, plus d’un sondé sur deux considère que l’intelligence artificielle (IA) peut personnaliser le processus de recouvrement. Selon vous, dans quel(s) cas l’IA peut-elle augmenter le taux de succès d’une procédure ?
Est-elle un outil clé dans une approche customer centric ? Enfin, quel rôle reste-t-il à « l’humain » ?
IA facilite le recouvrement de 80% des cas simples, à mon avis. Par exemple, une IA qui, à la manière d’une Julie Desk (assistante virtuelle personnifiée) qui recueille les disponibilités de chacun pour une réunion et les cale dans les agendas des participants, pourrait traiter la plupart des échanges relatifs au recouvrement par mail (réconciliation des soldes entre les comptabilités, ré-envoi des factures, rappel de l’échéance…). Ne laisser à l’humain que les cas nécessitant des discussions ou analyses plus approfondies. Le tout avec une rédaction plus humaine et plus personnalisée qu’une simple relance automatique. Cela met le client au centre en facilitant sa vie sur un aspect souvent négligé du parcours client.